Des bébés mal partis dans la vie…
Dans certains milieux, avoir un enfant hors mariage était tout simplement impensable et vouait la fautive à l’opprobre familial. Dans d’autres milieux, avoir un enfant alors que l’on ne pouvait même pas se nourrir soi-même était tout aussi impensable. Nous parlons là, bien sûr, de temps qui ne connaissaient ni la contraception, ni l’avortement…
Ne restaient alors que l’abandon n’importe où, ou l’infanticide.
Les « tours d’abandon »
Ces drames ont finalement donné lieu à l’apparition des « tours d’abandon ».
Il s’agit tout simplement d’une boîte, prenant souvent forme de cylindre tournant, permettant à une mère d’y déposer son bébé de façon anonyme, et sans même devoir rencontrer quelqu’un pour le lui remettre.
Ce genre de pratique était courante au Moyen-Âge et jusqu’au XIXe siècle, en Europe, et au-delà, comme, par exemple, au Japon.
En France, ils étaient généralement insérés dans le mur d’un hôpital ou hospice. Une fois le bébé déposé par sa mère côté rue, et la porte refermée, il ne restait plus à celle-ci que d’agiter la cloche et de s’enfuir. Alerté, les personnels, de l’autre côté, n’avait plus qu’à faire tourner le dispositif pour récupérer le bébé. Cela s’est pratiqué jusque dans les années 40.
C’est Saint-Vincent-de-Paul qui a fait installer la première tour d’abandon, à Paris, en 1638. Beaucoup plus tard, ces tours d’abandon ont été légalisées par un décret impérial, en 1811, contre l’abandon dans la rue, et on en a compté jusqu’à 250 en France. Elles ont été fermées en 1863 et remplacés par un « bureau d’admission », puis abolies en 1904.
Enfin, en 1941, l’accouchement « sous X » est institué.
Ces mécanismes ont malheureusement eu une utilité importante.
Un exemple : la tour d’abandon pivotante de l’hôpital de Provins a été en fonction de 1854 à 1859, et, pendant cette période, ce sont presque cinq bébés par semaine qui y ont été déposés. S’il est devenu très insolite de pouvoir en observer un, et d’imaginer les scènes qui s’y sont déroulées, ce n’était malheureusement pas du tout le cas à l’époque.
Depuis les années 2000, on note une réapparition de ces « tours d’abandon » un peu partout dans le monde, et notamment en Afrique du Sud, en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en Inde, en Italie,…
Aujourd’hui, à Gaillac…
Aujourd’hui, ces mécanismes ont peu à peu été supprimés et démontés. Il en reste au moins deux, l’un se trouvant à Gaillac, dans le Tarn, et l’autre à Rouen en Seine-maritime, dans le mur de ce qui est maintenant devenu l’hôpital Charles Nicolle.
« Suite à un décret impérial contre l'abandon dans la rue, l’hôpital Saint André de Gaillac devint officiellement hospice dépositaire en 1812, un des quatre du département. Le tour en lui-même a été mis en place en 1832. Les enfants étaient déposés, souvent avec un trousseau et parfois un signe de reconnaissance, tels qu'un billet ou une carte à jouer.
Les registres mentionnent chaque élément et certains y sont encore attachés, comme des rubans. Au son d'une cloche, la sœur tourière récupérait l'enfant, gardé deux jours à l'hôpital puis mis en nourrice. Les noms sordides dont ils étaient affublés témoignent du peu d'attention dont ils bénéficiaient et la majorité décédait avant 5 ans ».